Lauréats des commissions mécénat
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Maxime Rossi, Sister Ship, 52 min, 2015.

Fondé sur l’usage simultané de différentes techniques – photographie, dessin, musique, performance – le travail de Maxime Rossi se décline entre « l’art de voir » et de « faire voir », entre « l’art d’écouter » et de « faire écouter ». Dans Sister Ship, il explore les effets combinatoires de ces différents procédés, pour offrir une interprétation visuelle et sonore, du catalogue de l’exposition Come Alive ! The spirited art of sister Corita . Religieuse, peintre et activiste américaine, Sœur Corita (1918-1986) a créé des sérigraphies aux couleurs éclatantes et aux motifs vibrants, qui témoignent, à la fois, de sa vocation religieuse mais aussi de son énergie contestataire face à certaines injustices. Là où Corita métamorphose le mot en action, l’art en discours militant, Maxime Rossi les transforme en un paysage paradoxal.
L’artiste s’est appliqué à mettre en musique les textes du catalogue faisant surgir un paysage imaginaire dans lequel le discours critique tend à se dissoudre en improvisations sonores. Cette pièce musicale est, à son tour, intégrée au cœur de la structure narrative et visuelle d’un film tourné par Renaud Barret et Florent de la Tullaye sur le fleuve Congo. Sister Ship procède donc de la mise en commun de matériaux originaux et inédits ; l’artiste crée une œuvre insolite en puisant, à la fois, dans l’appareil critique d’un catalogue d’exposition mais aussi dans un matériau cinématographique qui évoque, en filigrane, l’appel au large d’André Gide et Marc Allégret. Il propose ainsi une expérience visuelle et sonore, audacieuse et complexe, faite de dissonances et de fractures, de tensions et de résonnances. Corps hybride, les motifs – les chants comme les images - vont et viennent, se répondent ou s’opposent, selon des rythmes savamment ménagés. De cette tension, Maxime Rossi façonne et retravaille les images qui accompagnent le catalogue chanté ; chaque séquence, chaque plan, chaque image participe à la production de son discours, l’orientant aussi bien qu’elles sont déterminées par lui.
Pour ce faire, l’artiste crée, dans le film, des impressions plastiques fruit de la combinaison de différents procédés de compositions: surimpression, copie en négatif, montage. Ces effets sont aussi accentués par ses interventions sur l’image, grâce à une gamme de tonalités vives. Il adopte, pour ces mises en couleur, une technique qui exclut tout modelé, nivelant ainsi les zones selon différentes intensités chromatiques (à l’instar des procédés sérigraphiques de Sœur Corita). Le montage du film repose ainsi sur un agencement du paysage dans lequel l’artiste insère des jeux d’analogies entre typographie et couleurs, entre son et écriture courante, suggérant un monde énigmatique. Auréolés de ces couleurs et de ces chants lumineux, les paysages qui défilent à l’écran semblent, désormais, flotter dans un nouveau cadre de scène, transformant chaque image en apparition et le film en mirage. Cet atmosphère se voit amplifiée par une impression d’inachèvement que procure le film dans lequel un sentiment d’étrangeté semble se dégager, faisant naitre dans l’esprit du spectateur, l’idée d’une pièce imaginaire, soutenue par le principe de l’association libre et d’images mentales. Maxime Rossi construit ainsi une réalité fictive – un ailleurs imaginé dans un présent inconnu -. Il concilie, en effet, dans ces images l’ici et l’ailleurs, le réel et la fiction, le banal et le conte fantastique.
Œuvre ambivalente, synthèse de plusieurs aspirations, cette pièce relève ni du film documentaire ni d’une interprétation musicale ni d’une composition plastique. Elle crée des passerelles entre ces univers qui, à première vue, s’opposent. Tous procèdent d’une même pratique plus vaste, qui soulèvent la question du remploi, de la création à partir de found footage et des principes de construction/déconstruction. Film, chant et catalogue d’exposition s’entrecroisent dans cette œuvre - tels des sister ship (navires jumeaux) - l’un faisant apport à l’autre de sa technicité et de sa manière de dévoiler le monde.